Les navigations

Porto Rico – 1 – Les îles

Mais où vont-ils ?

[Eric]A force de récit, le lecteur peut se demander : « mais où vont-ils ?« .

Cette question était partiellement tranchée dès le départ : nous partions pour un an. Ça n’a pas changé, d’autant que des obligations professionnelles (…) nous donnent rendez-vous à Paris (beurk…) début juillet 2019.

Nous comptions également vendre le bateau à l’issue de cette année. Ça non plus n’a pas changé. En revanche, alors que nous imaginions revendre Moutik aux Antilles, cela nous a finalement été vivement déconseillé. Plusieurs facteurs ferait de cette vente une opération peu rentable économiquement. Quelques arguments : vendre un bateau aux Antilles ne serait pas souvent une bonne affaire ; il y a beaucoup de bateaux à vendre, des flottes entières de navires en location qui se déstockent, et même si notre Moutik est un bateau haut-de-gamme, l’acheteur fera inévitablement la comparaison et trouverait notre proposition trop chère. Par ailleurs, vendre un bateau « au chantier » est une garantie pour l’acheteur, celle d’avoir sous la main les équipes capables de donner un avis, de réparer, d’améliorer, etc. Donc, nous nous offrirons les services d’un skipper professionnel, qui fera la route jusqu’à La Grande Motte, nous évitant ainsi une transat-retour (par les Bermudes puis les Açores, soit pas loin de 2 mois loin des Antilles).

Alors quel itinéraire ? Depuis décembre et la transat Cap Vert- Martinique (nous écrivons ces mots mi-mai), le tracé est à peu près arrêté : nous descendions les Antilles jusque vers Grenade, puis remontions jusque vers Anguilla puis les Îles Vierges (Britanniques, US, Espagnoles). Et ensuite, l’idée est de faire route jusqu’aux Bahamas, et à Nassau, où le skipper arrivera en avion et nous lui laisserons prendre soin de Moutik.

Porto Rico… or not ?

Pour être honnêtes, à l’origine nous n’avions pas prévu de nous y arrêter. Nous pensions que c’était une version plus populaire des USVIs avec tout ce qui nous déplaît dans ces îles américaines.

Mais il y avait un autre argument qui avait achevé de gommer Porto Rico de notre liste de destinations potentielles…

Les USVI étaient les dernières îles dites des « Petites Antilles », et notre police d’assurance couvre le bateau dans « …les Petites et les Grandes Antilles, à l’exception de Haïti, la République Dominicaine, Porto Rico… ». S’agissant des Grandes Antilles, croyez-moi, cela réduit drastiquement le champ des possibles. Il serait plus simple et moins hypocrite d’écrire qu’on est couverts « à Cuba uniquement« .

Alors, je demande au courtier de voir si l’assureur peut revoir sa copie. Rien n’y fait, la seule dérogation qu’il obtient, c’est que nous serons couverts aux Bahamas (ouf).

Pourquoi ? Disons qu’il faut croire que notre assureur (car d’autres couvrent) a eu dans un passé récent plusieurs sinistres dans ces zones et qu’il ne se pose pas plus la question. C’est dommage : Porto Rico est un territoire américain, parfaitement sûr, tant du point de vu des pirates que de la navigation, bien plus que bien des îles des Antilles plus au Sud. Quant à la Rép. Dom., l’important boum touristique de ces dix dernières années est la preuve que l’endroit est sûr. Alors peut-être a-t-il peur d’être engagé en R.D. au-delà d’un montant qu’il juge raisonnable ? Qu’il limite le plafond alors !

Porto Rico n’était donc a priori pas sur notre feuille de route, mais voilà qu’une rencontre va nous faire douter…

Aux USVIs, nous avions rencontré Philippe et Marion sur Enigma. Ils venaient de passer un mois à Porto Rico et nous ont vanté les mérites de cette île finalement très peu visitée par les navigateurs au long cours. Selon eux, les gens sont adorables, l’île offre de multiples possibilités de visites, les marinas et mouillages sont super sûrs etc… Pour eux c’est un des meilleurs souvenirs de leur 9 mois aux Antilles.

Alors on fait quoi ? Ben, on ne vit qu’une fois, voyez-vous, alors on ira à Porto Rico ! Et sans faire de « spoiler », nous déciderons même d’aller en République Dominicaine. Nous tâcherons d’être aussi prudents que nous l’avons été jusqu’à présent. Nous cesserons les caprices ici… au demeurant, peu de navigateurs se risquent à Haïti de nos jours, et pour rejoindre les Bahamas, c’est moins de 24h de navigation depuis le Nord de la Rép.Dom.

L’ironie de cela est que chaque fois qu’on entrera dans un port, on nous demandera une attestation d’assurance, ce que nous fournissons… et qui, heureusement, ne précise nullement la zone de couverture !

Culebra

[Aurélie] Nous quittons donc les USVIs direction Culebra, un île à l’Est de l’archipel de Porto Rico où l’on peu faire les formalités d’entrée.

La navigation jusqu’à là-bas est plutôt musclée. Le vent est fort, la houle est formée, les filles (grande et petites) n’aiment pas. Eric s’accroche à la barre et s’assure de rester frais. Nous arrivons finalement en début d’après-midi à l’entrée de la baie d’Ensenada Honda, profonde et très protégée par un long banc de corail, à peine fendu pour laisser une passe. Petite déception en arrivant, le fond est vaseux et l’eau est donc très trouble. Après plusieurs mois passés dans des eaux cristallines, nous faisons un peu la fine bouche pour la baignade.

Ensenada Honda droit devant, chenal signalé (bouée à droite)

Mais nous sommes trop heureux d’arriver enfin pour bouder notre plaisir et nous lâchons l’ancre devant le « Dinghy Dock », repère des marins de passage et des locaux qui entament leur semaine de vacances de Pâques.

Le mouillage d’Ensenada Honda, depuis le bien nommé « Dinghy Dock »
Tarpons géants

De nombreuses maisons donnent sur cette baie et chacune a son petit dock privatif. Idem pour les petits restaurants et les quelques commerces. C’est donc en annexe que nous partons au mini-supermarché du coin. Nous passons sous un charmant pont-levant paralysé par la rouille depuis quelques années. Nous zigzaguons entre les massifs de mangrove jusqu’au ponton du mini-market. L’endroit, minuscule, est étonnamment bien achalandé. Nous abordons les commerçants en espagnol et les sourires dont ils gratifient notre effort linguistique montre à quel point ils apprécient la démarche… ou alors il trouve que notre accent parisiano-breton est hilarant. Toujours est-il qu’après l’accueil air-conditionné des américains des USVIs, ce premier contact nous fait immédiatement apprécier les porto-ricains.

Après nos courses, nous poursuivons notre balade en annexe jusqu’au ponton privatif du Dinghy Dock. Et alors que nous amarrons l’annexe, nous découvrons un des objets de facination des porto-ricains: les tarpons géants. Ces énormes poissons (1m à 1m20 de long) s’agglutinent par dizaines devant le resto, attendant que les clients viennent vider leurs assiettes au-dessus de leur tête. Les filles sont aux anges ! Elles passeront la soirée à faire semblant de les pêcher en les attirant avec des morceaux de nourriture qu’elles accrochent tant bien que mal au bout de notre amarre d’annexe. Nous profitons donc d’un tête à tête, et de succulentes Piña Coladas (les porto-ricains prétendent qu’ils sont à l’origine de l’invention de ce cocktail, donc on ne plaisante pas avec la Piña Colada là-bas!) sur fond de musique locale (très similaire à la musique cubaine). Et nous buvons à la santé de notre assureur! Yech’ed Mat! Salud! Cheers! Chin!

Le lendemain, nous devons nous soumettre une fois de plus à l’exercice de la » clearance d’entrée » à l’aéroport. Etant en territoire américain, nous devons être tous les quatre présents. Nous mouillons donc au « muelle municipal », seul ponton publique de la baie. Et nous entamons une longue marche sous le soleil brulant de Porto-Rico. Nous arrivons juste à temps à l’aéroport pour réhydrater les filles qui se jettent sur les fontaines d’eau à disposition. Nous frappons à la porte de la douane. Une femme aux cheveux poivre et sel rasés nous accueille froidement en nous disant de sortir, car elle ne prend qu’un équipage à la fois… la pièce doit pourtant faire 60m² et dispose d’une dizaine de chaises d’attente… On ne cherche pas à comprendre et on ressort sans oublier de la rebaptiser Ursula (sorcière de la Petite Sirène pour mes non-initiés). Dix minutes plus tard, nous marchons sur des œufs en entrant à la suite d’Ursula. Et là, après que nous l’avons gratifié en chœur de notre plus beau « Buenos dias! », elle nous flashe son plus grand sourire! « Bienvenidos en mi isla! » Et là, la sorcière se transforme en une adorable guide touristique. Elle enregistre notre arrivée de façon très efficace, puis passe 20mn à nous vanter les mérites de son île, à nous recommander lieux de visites, plages ou restaurants… Entre autres recommandations, elle nous dit que la plage de Flamingo vaut vraiment le détour et nous indique où elle se trouve, petite carte stylisée à l’appui.

D’après cette petite carte, le trajet jusqu’à Flamingo devrait être l’équivalent de la moitié du trajet qui nous a mené à l’aéroport, soit 10-15mn… les filles grognent un peu mais acceptent de jouer le jeu…. 45mn plus tard, ce sont nous qui grognons, les filles, sub-claquantes, sur le dos, toujours en plein cagnard et toujours sans bouteille d’eau… Heureusement la plage est très belle et le vent nous permet de retrouver une température corporelle normale. La plage est très belle. Tout au bout, nous découvrons les chars laissés par les américains lorsque leur base militaire a quitté les lieux. Les chars, peinturlurés et tagués de toutes parts, impressionnent les filles. Le retour jusqu’à Ensenada Honda se fera en minibus climatisé au plus grand bonheur des filles… et de leurs parents.

Nous terminerons cette journée comme la veille: Eric et moi devant une Piña Colada, les filles au bord de l’eau tentant de dompter les tarpons géants.

Culebrita

Après deux nuits à Ensenada Honda, l’envie de retrouver des eaux turquoises se fait ressentir.

Enigma nous avait décrit Culebrita comme étant exceptionnel. On ressort d’Ensenada Honda, on longe l’île et on se dirige vers cette petite île, la plus à l’Est de l’île principale de Porto Rico.

Arrivés devant la baie principale de Culebrita, nous devons passer un banc de corail pas sympa du tout, alors que des vagues de belles tailles nous font craindre de toucher et que les indications de notre carte sont plus qu’approximatives… Eric est à la barre et je suis à l’avant, scrutant l’eau pour tenter de lui indiquer les patates de corail à éviter… Ça passe…. ouf…

Culebrita, juste avant d’entrer dans la baie, on devine les mâts de quelques voiliers

On entre enfin dans la baie : la protection est très bonne. L’eau est lisse… et transparente. Ça change de l’eau turbide de Culebra. On mouille à quelques mètres de la plage, dont le sable est d’un blanc éblouissant, dans un aquarium !

L’après-midi nous profitons pleinement de cette piscine géante. Baignades à rallonge, construction d’un forteresse de sable blanc, balade sur le littoral, petite opération ramassage de déchets pour bien clore cette journée. Le lendemain nous monterons jusqu’au phare qui domine l’île.

La piscine…
Le banc de corail, vu depuis le phare

Depuis quelques semaines, nous naviguons seuls et je dois avouer que les bateaux-copains nous manquent. Nous sommes donc ravis de voir arriver deux catamarans dans la baie, Kairos5 et MarVyn. A leurs bords, deux familles d’américains avec respectivement 2 et 3 enfants entre 10 et 5 ans. Les filles sont aux anges! Elles passeront les deux jours suivants à jouer avec eux, dans l’eau, sur les paddles et sur les bateaux des uns et des autres. On rencontre deux catamarans américains, avec des enfants : Kairos5 et MarVyn. Apéro avec eux, puis dîner le lendemain. Nous passerons deux soirées super sympas avec eux. L’équipage de MarVyn sillonne les Antilles 7 mois par ans depuis 4 ans. Ils ont donc plein de choses à nous apprendre sur nos prochaines destinations. Kairos5 vient de se lancer dans l’aventure de la vie à bord et nous sommes ravis de partager notre ressenti après 9 mois de cette vie de nomades.

[Eric] Pour le dîner, j’ai pris mon fusil-harpon et je suis allé près d’une barrière de corail. A une dizaine de mètres de profondeur, je tire un, puis deux beaux poissons-perroquet. Nous les mangeons en toute confiance, sachant que nous avions plusieurs fois vu ces poissons en filet sur les étals des poissonniers de Martinique et Guadeloupe… La nuit, j’ai mal au ventre. Le matin mal à la tête. Aurélie est toute bizarre, sensation de perte de conscience, difficulté à respirer, vertiges… Ciguatera ? Possible. Il n’est pas recommandé de manger des poissons de récif, dont le perroquet… OK, je n’en prendrai plus. Je ferai plutôt du poisson-lion, nuisible pour le corail et délicieux si l’on fait attention aux épines venimeuses.

Vieques

Après 3 jours dans ce bel aquarium, il est temps de partir. Les américains partent au Nord, vers San Juan, la capitale. Nous partons juste derrière eux, mais plutôt vers le Sud, vers Vieques, une plus grande île du Sud-Est de Porto Rico.

La navigation est… musclée. Le vent a bien monté ces derniers jours. On a 20-25 kts, au portant. La houle est grosse, 2 m au moins. Dédé fait ce qu’il peut, mais Moutik perd de la vitesse à chaque train de houle, puis repart, … les filles sont encore proches du « raoul ».

On se réfugie dans une petite baie près de l’île de Chiva. Depuis qu’on a quitté Culebrita, il n’y a plus un seul bateau. Dans cette baie, il y a un cata au mouillage, punto.

Le lendemain on tente le mouillage devant la baie bioluminescente de Baya Mosquito. La houle rend l’approche délicate et la baie n’est pas assez protégée pour nous garantir un mouillage serein. On se rabat donc sur une baie voisine, bien protégée, dans la mangrove: Puerto Ferro. Au début on croit qu’il y a d’autres bateaux… en fait ce sont des épaves, amarrés là parce que ça doit être un « trou à cyclone », mais jamais récupérées. L’eau est toujours aussi turbide et l’heure n’est pas à la baignade, mais la baie est très belle.

On n’ira pas voire la bioluminescence, enfin pas ici en tout cas, car on est trop proche de la pleine lune (et puis parce qu’on ne peut pas y aller en dinghy, c’est trop loin). Tant pis. On essaiera de se rattraper sur l’île principale de Porto Rico.

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5 commentaires

  • Moreau@rmt.fr

    Matin humide ce samedi, je rêve de « la piscine » face aux bassins aux eaux glauques, verdâtres et certainement glacées! Je me console en planifiant mes courses chez Christophe qui est l’un des meilleurs poissonniers de Paris où les soles, bar de ligne et autres poissons comestibles sont plus frais qu’en Bretagne (si si!) et moins toxiques que dans les bancs de corail, na! J’irai en vélo probablement car comme tous les samedis, les glandus défilent nous valant la fermeture des métros et bus ! Hate de vous revoir, l’échéance approche et rassurez vous, d’ici là l’été sera arrivé! Biz

  • ACécile

    Bonjour,

    Bravo pour votre merveilleux blog.
    Nous projetons de partir l annee prochaine sur un Outremer 45.
    Nous devons nous decider rapidement si nous prenons l option achat neuf avec LOA.
    Pourrions nous vous joindre par mail ou téléphone?Merci de votre réponse!

  • Gérard Fitoussi

    Merci les Moutiks ! Pour moi, San Juan n’était qu’une escale aérienne sur la route des BVI’s. Grâce à vous, elle aura pris corps et m’aura émerveillé par vos photos magnifiques. Allez, savourez, savourez ces jours de délices.
    Je viens de bazarder mes appartements parisien et normand pour une maison de rêve (à la lisière de la forêt de Rambouillet) plus loin pour aller à mon cabinet mais ça en vaut la peine.
    Bref, il y a une piscine certes pas aussi magique que celles qui jalonnent votre route mais vous y serez chez vous si l’envie vous prend de retrouver le plaisir d’une baignade familiale à votre retour.

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