Les navigations

En route vers la Floride!

Contre mauvaise fortune… grosse fortune !

[Eric] Palm Cay Marina… ça sonne bien… et au premier abord, c’est plutôt pas mal. Un chenal étroit et tortueux, mais bien balisé, bordé par la piscine, mène à un petit bassin, creusé dans le corail. Les pontons sont en bois, avec de gros madriers plantés profonds, de jolies cordes jalonnent le ponton de carburant. En retrait, de jolies maisons en bois colorés, dans un style colonial, hébergent l’administration, le restaurant, … il y a de la végétation : des massifs de palétuviers et des cocotiers. Et plus loin, ce qui doit être des condominiums touristiques.

Oui, mais voilà, on n’est pas venu pour aller au Club Méditerranée. Surtout qu’après quelques jours on aura compris : la bière 6 USD, le burger 16 USD (il passera à 18 durant notre séjour, frites non comprises), l’assiette de frites, en sus donc, est à 6USD…

Et d’ailleurs, notre Moutik blessé n’est pas en reste, l’hébergement lui coûte 120 USD/jour… et à ce prix il faut ajouter l’eau (on ne fait pas tourner notre dessal dans un port) et l’électricité (là, on se contente de nos panneaux solaires, largement suffisants, d’autant… qu’on n’a plus de frigo).

Pour la bière, je mettrai la main au portefeuille… car 10 jours de bières tièdes (depuis la foudre), ça suffit !!!

[Aurélie] Pour ma part, la Piña Colada et le Punch étant imbuvables, je me contenterai d’une bonne bouteille d’eau gazeuse que je bois comme si c’était du champagne (à 12$ la bouteille de San Pellegrino, c’est le moins que je puisse faire…).

[Eric] T’as qu’à aimer la bière !

Réparation Bahamian style

[Eric] Prévoyant que le paradis n’est pas toujours comme il paraît, dès notre arrivée j’ai tenté d’organiser notre départ : la réparation des moteurs, étape préalable à la poursuite jusqu’en Floride.

Le chantier Outremer avait déjà pris contact avec Volvo (en France), qui avait recommandé Compass Power (à Nassau), comme réparateur agréé.

J’ai appelé, le type, Justin Cunningham. Adorable, il se déplace le jour même pour constater la situation.

Il (c’est un blanc) arrive accompagné d’un type que l’on dirait sorti d’un clip de gangsta rap s’il ne portait pas un bleu de travail : gourmette et chaîne en or d’épaisseur importante, mais surtout une rangée de dents supérieurs (les 4 incisives et les 2 canines) 100% « gold plated ». D’ailleurs, quand il parle, ça chuinte un peu, signe qu’il y a, là aussi, de la sur-épaisseur !

Le diagnostic est le même que celui que j’avais fait : sur le moteur tribord (celui qui ne démarre plus), le boitier MDI (cerveau électronique du moteur) a fondu, la nappe de câbles qui s’y raccorde aussi, le démarreur a son gros câble d’alimentation calciné. A bâbord (le moteur démarre encore), l’afficheur ne montre plus rien, signe qu’il est grillé (ou le MDI qui s’y raccorde). Ce moteur ne charge plus… est-ce l’alternateur, le MDI, ??? Par prudence il va revenir avec les pièces identifiées et 2 alternateurs, 2 afficheurs, un clavier de commande.

Super ? Ben non, ici on est à Nassau (ça marche aussi avec d’autres trous paumés) et ici tout coûte cher, tout doit être commandé aux USA, tout passe par les couloirs de la douane et ses 43% de taxes à l’import…

Pourtant Justin était optimiste (clairement trop, car lui connait Le Système…), « j’ai déjà une commande en cours, je vais y glisser ces pièces, en plus ça nous fera moins cher pour le fret aérien… d’ici 2 jours maxi, j’aurai les pièces et aussitôt j’envoie quelqu’un ».

Super, à la piscine !

Ah non… la piscine c’est pour les membres seulement… pour être membre temporaire, c’est 25 USD, pour la semaine, par personne… au diable l’avarice ! Plouf…

Sauf que les jours passent, j’appelle Justin, je le texte, je l’e-mail, … il s’excuse, dit qu’une pièce manque et que ça retarde l’expédition, puis qu’il y a un retard de livraison, puis que c’est bloqué en douane, puis il faut trouver un gars disponible…

Il faudra presque 10 jours ! Croyez-moi, bloqué 10 jours à Palm Cay Marina… y’a pire, mais y’a mieux aussi.

[Aurélie] C’est Eric qui gère entièrement la réparation du moteur avec son gangsta rapper aux dents en or. J’en profite pour informer tous ceux que ce caprice esthétique pourrait tenter: les facettes en or, d’autant plus quand elles couvrent de façon épaisse et grossière toutes les incisives et les canines, ne facilitent pas l’élocution. Elles peuvent par ailleurs entraîner un léger problème d’hyper-salivation qui, à son tour, peut provoquer un phénomène de postillonnage intempestif. Du coup j’en profite également pour exprimer toute mon admiration pour mon mari qui a passé 3 heures dans une cale moteur d’environ 1,2 m², dans une proximité presque embarrassante avec le Jaws Bahaméen et qui, tel James Bond, a survécu à ses assauts salivaires.

On s’occupe, pour le pire et le meilleur

[Aurélie] J’abandonne donc lâchement mon mari à son triste sort et je pars voir quelles activités je pourrais faire avec les filles. J’apprends à ma plus grande joie qu’il y a une énorme aire de jeux pour enfants. « You go on the main road then take a left. At the next crossing take a right, keep walking and you’ll see it. » OK… Il fait 40°C, nous marchons en plein soleil avec les filles. Route principale, première a gauche, première à droite… on marche, on marche, on marche… au bout de 20mn mes deux schtroumpfs enfilent leur gilet jaune « y’en a marre, y fait chaud, y’a même pas de parc, j’ai soif, j’ai faim, j’ai mal aux pieds………. ». Demi-tour. Re-20mn de marche en compagnie de mes syndicalistes remontées comme des coucous suisses. Je ne baisse pas les bras. Je retourne au « Welcome Center » et je redemande mon chemin. La jeune femme m’explique que je dois aller sur la route prinicpale, prendre la première à droite puis la première à gauche….. euh… vous m’aviez dit l’inverse chère demoiselle!?! « Oh sorry I can never tell left from right! »……………………………………………………………. Bon devant ma tête et l’air revêche de mes schtroumpfs gilet jaune, elle propose de nous y emmener en voiture de golf. Et c’est heureux car même en voiture de golf, il nous faudra 10 bonnes minutes pour y arriver. Ils ont en fait construit une magnifique aire de jeux, en plein milieux d’un futur quartier résidentiel dont les terrains sont en vente mais qui pour l’instant n’est qu’un vaste terrain vague. L’aire de jeux est donc déserte, et super éloignée du cœur de la marina. Comment dit-on mettre la charrue avant les bœufs en anglais déjà? Ah oui « Put the cart before the horse ».

Dans la série cours d’anglais, nous avons aussi découvert ce que sont les no-see’ums ou sand-flies aussi connues sous le nom de yen-yen aux Antilles françaises. Ces micro-mouches ont un pouvoir de nuisance qui surpasse celui des moustiques camarguais. Elles piquent en rafale, on ne les voit pas arriver et surtout elles sont tellement petites qu’elles réussissent à traverser la grande majorité des moustiquaires. Sur le coup on devine à peine un bouton. Mais 24h plus tard, au moment du coucher, la piqûre se réveille et vous démange comme jamais. C’est l’enfer. Comme dit Eric pendant que je lui crème sa vingtaine de piqûres dans le dos: au moins, on peut s’occuper en comptant les boutons. Pour ma part, après 5 jours sur place, j’en suis à 52, rien que pour les jambes.

[Eric] Les filles deviennent amphibies. Il va leur pousser des branchies. Elles passent des heures à la plage (très largement artificielle) et dans la piscine (très chlorée)… la moitié de leur régime me suffit à ressentir la fatigue (il faut voir que je dois les soulever, faire des portés dignes de Danse Avec Les Stars, faire le requin, …). Elles sautent, elles plongent, elles font des traversée de bassin en apnée. Léo décide même de tenter le salto avant avec un certain succès, entraînant Brune dans son sillage. Je n’en peux plus, je sort de l’eau et Aurélie prend le relais.

Notre bouteille de gaz se videra un matin… c’est toujours mieux ici qu’au bout du Monde. Par chance, on a désormais une grosse bouteille (13Kg) qui nous dure +/-3 mois et une petite Butagaz bleue, qui fait l’affaire pendant 1 à 2 semaines. Nous aurons donc de l’eau chaude pour le thé du matin. La marina, qui a des atouts, prête une voiture par créneau de 2h. Je file donc en emprunter une pour aller chez Nassau Propane. La clé en main, je suis comme une poule devant un couteau : j’ai bien une clé… mais y’a pas de serrure !? Un coup d’œil avisé me permet de noter qu’il n’y a pas non-plus… de volant ! Tête d’âne ! Nassau, Bahamas, Common Wealth, British, conduite à gauche… ok.

Mais, la poule, dont nous descendons tous, m’habite encore: assis sur le siège du pilote, je ne trouve pas où mettre la clé. Et vu la modeste voiture dont il s’agit, d’une sous-sous-marque totalement inconnue, il ne peut s’agir d’un quelconque mécanisme sans-contact. Je cherche… mais je ne trouve pas… la honte… je vais devoir sortir et demander « où met-on la clé » (si je prête ma voiture à un type qui me demande où on met la clé… je lui reprends ladite clé illico !!).

Et oui, je peux réparer un moteur diesel, monter un réseau NMEA, bypasser les Digital Switches, paramétrer les multiples routeurs du bateau, résoudre des connexions défectueuses, faire une ganse en dyneema, … mais je ne trouve pas où mettre cette #@$%&! de clé !!!!

Alors… oui… je sors et j’avise un rasta portant le t-shirt de la marina. C’est tellement idiot, que j’ai peur qu’il ne comprenne pas la question… il sourit (discrètement) et me dit… que ça se met sur le côté du volant ! Il me prend pour qui ??? Euh, poliment je dis… que je ne vois pas où… et là il me montre une sorte de petite trappe escamotable qui cache le trou de la serrure…..

Allez, c’est parti, Nassau Propane, me voici !

Après deux hésitations, on conduit à gauche sans difficulté. Il y a un truc que je ne maîtrise toujours pas : je déclenche systématiquement les essuie-glaces quand je veux mettre le clignotant.

C’est l’heure de sortie des bureaux… la circulation est parisienne. Cerise sur le gâteau, arrivé chez Nassau Propane, ils n’ont pas le raccord qui permet de remplir mon réservoir au format français… mais je peux le trouver… chez NavTours, un loueur de bateau justement installé à… Palm Cay Marina.

Retour bredouille.

Je rends visite à NavTours. C’est un loueur québécois, les patrons parlent français. Adorables nos cousins. Ils compatissent avec nous et me prêtent avec plaisir leur raccord de gaz. Le lendemain, réservoir plein, je le leur rendrai avec un « six-pack » de Kalik bien fraîche, la bière locale.

La marina se vide… NavTours déplace ses bateaux vers les USA et le Canada, notamment pour fuir la saison cyclonique qui approche.

On sera bientôt les seuls… mais non, un peu plus loin sur le quai il y a Serenity, un Lagoon 620 Power Cat (un cata à moteur, pas à voile). Aurélie rencontre le skipper à la laverie. Un brésilien, absolument adorable, qui nous invite à venir à bord visiter le navire.

[Aurélie] Luiz fait partie de ses gens qui vous redonnent fois dans l’espèce humaine. Depuis le matin je faisais des allers-retours entre le bateau et la laverie pour tente de faire une lessive, mais à chaque fois les machines étaient pleines. A la 6è tentative, passablement agacées, je tombe nez à nez avec ce petit brésilien qui s’excuse platement d’avoir mobilisé les machines aussi longtemps et, alors qu’il lui reste encore deux bacs pleins à laver, me dit de prendre les machines et qu’il finira plus tard. Déjà, premier bon point. Je lance donc mes machines. Acaparée dans la piscine, je reviens tardivement à la laverie. Là je tombe de nouveau sur Luiz. Et je découvre que mon linge a non seulement été sorti des machines à laver, mais que le premier lot est déjà sec et plié dans mon sac alors que le deuxième tourne dans le sèche-linge… et Luiz de m’expliquer qu’il s’est permis de mettre mon linge à sécher (sortant au passage 2$ de sa poche que je m’empresserai de lui rembourser) et que la première tournée étant sèche il s’est permis de la plier parce que le linge chaud qui sort du sèche-linge si on le laisse ne boule il devient tout fripé. Je précise que mon tas de linge incluait un lot de caleçon de mon homme et qu’il ne pouvait donc avoir aucun doute sur le fait que je n’étais pas célibataire. Un type plie mon linge sans même chercher à me draguer. Punaise, mais si ça se trouve, le Père Noël existe!!! Je m’empresse de l’inviter à boire une bière tiède sur Moutik pour fêter ça.

[Eric] Luiz est un type super avec une vie digne du cinéma. Immigré illégalement aux USA, ayant fait tous les métiers, étant tombé un jour dans le nautisme… et de fil en aiguille devenu capitaine maintenant. Il alterne entre ici et la Floride où habitent son ex-femme et ses enfants. A Nassau, il s’occupe du bateau, pour le propriétaire ou les locataires.

Nous passerons les soirées chez nous ou chez lui… apéros à rallonge… dîners improvisés… Nous retrouvons enfin une partie de ce qui fait le charme de la vie en bateau.

Réparation du moteur, suite et fin.

Finalement, le gangsta rappeur revient, après 9 jours de longue attente. Il a toutes les pièces. Et il n’est pas mauvais, il connait son affaire… sauf qu’il est venu sans outils, sans kit électrique, sans colle étanche, bref, un coiffeur sans ciseaux ! Heureusement, j’ai à bord de quoi monter une centrale nucléaire (…oui, mais pas de quoi ressusciter un démarreur fondu).

On commence par le moteur valide. Changement de l’afficheur. Il s’allume (l’afficheur était donc bien HS), mais aucun affichage des données habituelles. Changement du boitier MDI. L’afficheur reprend des couleurs (le MDI était de ce côté aussi partiellement HS donc !). Et du même coup, j’en profite pour mesurer, la charge revient : l’excitation de l’alternateur passe par le MDI. Si le MDI est HS, plus d’excitation donc plus de production d’électricité.

Le booster de batteries demeure silencieux (normalement il s’allume tel un sapin de Noël). Il faudra le changer, car si la batterie moteur charge, la charge des batteries de service, par le moteur, ne doit pas fonctionner (peu importe, ici y’a du soleil, les panneaux fonctionnent à merveille).

De l’autre côté il y a plus de dégâts. On change l’afficheur, le MDI, le démarreur et son solénoïde et la nappe de câbles qui avaient aussi fondu. Naturellement, ça n’est pas le bon modèle. Cette nappe relie tous les organes électriques et il y en a : batterie, masse, alternateur, solénoïde, démarreur, préchauffage, mais surtout… la dizaine de sondes de température, d’huile, de pression, … et chacune a son connecteur particulier, naturellement. Et le câble du gangsta rapper est une génération ultérieure : deux connecteurs ont changé de format ! Et c’est parti pour une session « pimp my nappe! » Un peu de perspicacité, quelques coups de pince coupante, de dénudeuse, de cosses… et voici la nappe remise à la bonne version (heureusement que j’ai pris un coffret électrique complet).

Et… le moteur démarre… sur la batterie de service, car la batterie moteur annonce… 3V (au lieu de 12V, pour les non-initiés).

J’ai presque envie de l’embrasser… sauf que quand on embrasse un gangsta, on risque de prendre un pruneau. Alors je me contente d’un « check » (ici on ne se serre pas la main, on « check ») et décapsule deux Kaliks bien fraîches (on met de la glace dans le frigo, vu qu’il est HS : 10 USD le sac de glaçons…).

Je conserve les deux alternateurs et autres pièces, car Justin me dit qu’il va devoir les dédouaner, me facturer la réexpédition, bref… il n’en veut pas. Et après tout, il y a de forts doutes sur les alternateurs.

Je conserve aussi un sac plein des reliques brûlées, pour l’expert.

Après une heure j’éteins les moteurs… et oui, ils redémarrent. Mais surtout, la batterie qui était totalement vide, s’est rechargée ! Elle est probablement moins vigoureuse qu’avant, mais ça ne se voit pas, elle démarre le moteur sans difficulté. Yeah !

Ce n’est qu’un au-revoir

Ce soir, on reçoit Luiz à bord, pour la dernière fois. Roxanne, une amie de Luiz et seconde du bateau, est arrivée et se joint à nous. Quelques bières, plein d’histoires… Luiz sera notre dernière rencontre de « bateau copain » avant que nous ne quittions Moutik. Snif…

[Aurélie] C’est vrai que malgré nous, nous commençons à décompter nos « dernières fois ». Dernière navigation, dernier bateau copain, dernier coucher de soleil, dernière fois que nous levons l’ancre… Il y a un peu de nostalgie mais c’est surtout un façon pour nous de nous faire à l’idée que c’est la fin du voyage. On a du mal à réaliser. Personnellement je suis traversée par plein de sentiments ambivalents: l’excitation de retrouver nos proches et l’appréhension de retrouver une vie professionnelle qui ne me correspond plus, l’envie de quitter ce bateau qui nous fait défaut et en même temps le sentiment que Moutik est notre nid et que je m’y sens vraiment bien, la joie de retrouver le confort urbain et la conviction que l’espace, le vent, l’eau, tout ça va nous manquer cruellement etc… Brune est un peu dans le même état que moi. Elle nous dit qu’elle se sent bizarre, excitée et triste en même temps. Elle n’aime pas ce sentiment et a hâte de passer à la suite. Chez Léo ça se traduit par de la nervosité. Elle qui déjà en temps normal a beaucoup besoin de se dépenser, passe ses journées à sauter à droite à gauche, et perd très facilement son calme. Comme elle le dit « Vivement que l’on soit à l’hôtel! ». Quant à Eric, il commence à tourner en rond comme un lion en cage…

Heureusement pour tout le monde, l’heure du départ sonne enfin.

[Eric] Jeudi matin, on démarre nickel les deux moteurs (ouf), on manœuvre (facile) et on se glisse jusqu’au ponton-carburant. Plein de diesel et quelques bidons (les jours prochains s’annoncent sans vent…). Puis on part pour Chub Cay, à 46MN d’ici… soit env. 7h au moteur. On renonce à passer sous les ponts de Nassau : ils offrent une hauteur de 21m… notre mât culmine à 20m ! Pas de risques inutiles.

A Nassau, les villas, ça ne plaisante pas !
Toujours Nassau : Paradise Island… le paradis, ça !?

Navigation tranquille… un peu bruyante… baignade à l’arrivée devant Chub Cay. Mouillage agréable, il y a une marina grand-luxe (4$ par pied, là où Palm Cay que l’on trouvait chère coutait seulement 2.5$/pied).

L’eau est toujours aussi belle…

Vendredi, longue navigation en vue, environ 80MN et toujours sans vent, cela risque d’être 13h environ… On part avant le lever du soleil, direction Bimini. Aurélie se lève le temps d’appareiller et va se recoucher. Les petites, comme des horloges, se réveillent vers 7h30/8h. Je jette une ligne, sans grand espoir : on navigue sur le banc, il y a 2 à 4m de profondeur, on compte les étoiles de mer une fois de plus. Et par miracle… on pêche… un barracuda qui retrouvera ses congénères aussitôt (pas bon à cause de la Ciguatera) avec un piercing à la lèvre, pardon Barry le Cuda.

On arrive à Bimini au coucher du soleil, juste à temps pour passer les derniers bancs à moins de 2m… avec un peu de lumière. Mouillage : ça croche mal… baignade, je plonge : effectivement, il n’y a qu’une fine couche de sable sur un massif de vieux corail… bon, pas de vent attendu, ça devrait tenir et on mettra en route l’application de surveillance du mouillage sur le téléphone.

Bimini : orage en vue !
Dernière baignade…
C’est qui le breton/la bretonne ?

Samedi, j’enfourche le dinghy pour aller effectuer la clearance de sortie à la douane… en fait après 30′ de recherche de l’endroit, d’attente de mon tour, … j’apprends qu’il n’y a pas de formalités à faire, juste déposer les intercalaires glissées dans les passeports lors de l’entrée.

C’est parti, direction Fort Lauderdale… destination finale, chez Just Catamarans, agent Outremer pour les USA, qui nous héberge. Faible vent, on fait tout de même 7 à 8kts, avec moteurs+voiles.

Les grattes ciels de Miami Beach et Fort Lauderdale apparaissent à l’horizon, d’abord comme une rangée de créneaux sur un horizon encore lointain, puis comme des formes fantomatiques sous un immense cumulonimbus. Ici aussi le temps est orageux. Le trafic n’est pas très intense, mais néanmoins continu : day-boat de pêche au gros, motor yacht, cargo, …

La Floride, Miami, ciel chargé.

La ville grandit, on n’a pas vu ça depuis… 1an… et quelle année !

Le ciel s’assombrit… le vent se lève, fort. La pluie commence à tomber, drue. Et les éclairs, le tonnerre… la côte est recouverte de cumulonimbus qui crachent leur fureur. Comme une dernière menace !

Last stop: Florida

On se présente devant l’entrée des « Inland waterways », car tout au long de la côte de Floride circule une sorte de canal/rivière qui dessert les ports de commerce, marinas, chantiers, …

Nous entrons alors que deux immenses paquebots de croisière sortent, escortés par les bateaux pilotes et le « sherif » qui vient éloigner les bateaux plus petits.

Là, ça y est, on n’est plus au paradis. L’eau est jaune, elle sent l’œuf pourri. Y’a des grues, des hangars.

On se faufile dans les canaux, à gauche, à droite, à gauche, …. et on arrive à l’entrée du bassin qui héberge Just Catamarans, l’agent américain d’Outremer Yachting. C’est très étroit. On se félicite d’avoir nos deux moteurs et d’avoir bardé le bateau de pare-battes.

La place qui nous a été désignée par email, sur une image Google Map est… étroite ! Je m’étonne de la parfaite manœuvre que nous réalisons, mieux qu’un créneau parisien, il y a moins d’un mètre devant et derrière le bateau une fois qu’on est garé.

La pluie continue de tomber.

Soyons clairs, c’est une zone portuaire, avec des hangars, des « travel-lifts », des bateaux hors de l’eau, … ça n’est pas une marina, mais un lieu de travail : c’est glauque !

[Aurélie] Accessoirement, le chantier se situe en bordure de l’aéroport et est niché au cœur d’une magnifique forêt de mangrove… Un vol décolle ou atterrit environ toutes les minutes. Et une armada de no-see’ums décolle au même rythme. Nous nous cloîtrons dans le bateau, ventilos à fond, croisant les doigts pour que la maille de nos moustiquaires soit suffisamment fine pour bloquer les attaques des nuisibles. Pour une fois que nous serions heureux que la prévalence de l’obésité dans la population américaine s’applique à toutes les créatures vivantes opérant sur le sol étasunien.

[Eric] D’un coup de fil à Avis Car Rental, j’avance notre location de voiture, j’appelle un Uber et je me fais déposer à l’aéroport juste voisin, pour récupérer l’auto. Car là où l’on est, sans voiture… on meurt, tout simplement !

Puis je déclare notre arrivée auprès de CBP (US Customs & Border Protection), l’application est plutôt bien faite. Je patiente afin de vérifier que le dossier est accepté… et ça y est… ah non, le logiciel me dit que je dois accepter une vidéoconférence avec un agent ! Ouais… sauf que… là… je suis assis sur la cuvette des toilettes… le truc sonne… j’ai 30 secondes pour accepter… Ok ! Je bombe le torse, vérifie l’arrière-plan, je prends un air digne… et j’accepte !

– Hello sir, how are you doing ?

Moi, digne :

– Very good, thank you, what about you ?

– I’m good thanks ! So, you are Eric, the Captain ?

– Yes sir !

– Ok, I have to verify all the crew faces, can you point to… Brune ?

Ah ouais, là ça se Corse sérieusement car il faut que je me lève, le caleçon sur les genoux, que je rejoigne le reste de l’équipage, …

D’une main je tiens le téléphone et le fait pivoter en veillant à conserver des éléments « neutres » dans le champ de la camera ; de l’autre, je tiens mon short et mon caleçon et j’avance comme un quadrupède entravé.

Je monte les marches qui me font sortir de la coque et arriver dans le carré. Mes trois femmes me regardent avec des yeux ronds !?!?!? Aussitôt, j’annonce que chacun doit se présenter devant la caméra… mais tous les regards convergent plus bas, vers mes parties intimes et cette mise en scène grotesque.

– Brune… ok !

– Aurélie… ok !

– Léonie…

Et là, Léonie et sa timidité légendaire, disparaît aussitôt sous la table… Aurélie qui a compris l’enjeu récupère aussitôt la situation, et Léonie paraît enfin devant l’agent !

– Ok, we are done, thank you guys ! You still have to go to a CBP office to complete the procedure. All of you.

Bon dieu… tous ces risques pris… pour qu’au final on soit tout de même obligé de passer dans un bureau ?!

On quitte le bateau qui sera recouvert d’huîtres dans quelques heures, au fond de ce marigot et on fait un crochet chez CBP. Là on apprend que l’application permet juste à l’agent de s’épargner une fastidieuse resaisie des passeports dans son logiciel, mais que la visite physique devant l’agent est incontournable. Et puis dès lundi, il faudra aussi aller à la douane pour l’entrée de bateau.

[Aurélie] Nous enchaînons par un dîner en ville, chez Coconuts, un restaurant de fruits de mer. Nous dînons au bar. Les filles sont fans de cette configuration « exotique ». L’ambiance est américaine, donc bruyante. La nourriture est américaine, donc grasse. Le service est américain, donc très agréable. D’autant que notre serveur, adorable et aux petits soins, n’en fait ni trop ni trop peu et nous permet de passer une très bonne soirée.

Puis il faut rentrer au bateau, dans le cloaque de la zone portuaire, où il est l’heure pour les « no-see’ums » et autres nuisibles de passer à leur tour à table…. et où la pluie tombe toujours. Allez, bonne nuit!

Click to rate this post!
[Total: 3 Average: 5]

2 commentaires

  • Gérard Fitoussi

    C’est fou ! Ça a passé tellement vite. Pris dans mon rythme frénétique parisien, j’étais grâce à vous un peu ailleurs et vous ai souvent imaginés dans vos aventures terrestres ou marines. Alors là je suis un peu déstabilisé et puis imaginer vos états d’esprit.
    Ce qui est remarquable c’est que vous avez évolué dans une progression harmonieuse et vécu ensemble (pas évident si j’en juge par tous ceux que j’ai vu partir et dont l’ambiance a petit à petit tourné à l’aigre avec le temps) cette aventure souvent éprouvante.
    Alors c’est certes compliqué de rentrer mais vous avez vécu une aventure exceptionnelle (encore plus pour les filles) et ça c’est pour la vie ! Et puis maintenant que vous avez cette expérience vous pourriez de nouveau reconstruire un projet marin, non?!
    En tout cas merci, mille mercis pour le temps que vous avez consacré à partager avec vos amis terriens. Et à très vite sous d’autres cieux.

  • Agathe

    Morte de rire! J’ai adoré!! J’ai lu tardivement, car ici l’été arrive, mais ce n’est pas que je sois partie à la plage, non, c’est qu’ILS envisagent tous d’y partir, et donc tout devient urgent, sans compter CEUX qui se réveillent tardivement mais d’un coup d’un seul, c’est urgent – ben oui, l’été arrive. EUX c’est ceux qui me font vivre, donc on les pardonne, un peu seulement…
    Bref, youpi, on est rôti avant d’être allé au soleil, histoire d’être bien surs que si on prend des vacances c’est vraiment parce qu’on n’en peut plus….
    Hâte de vous voir, les chiens galeux…. et c’est vrai que c’est passé vite – trop vite pour vous sûrement!
    Biz à la semaine prochaine !!!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *