Mostaganem, plus cher qu’Ibiza ?
02/10 – Vite fuyons !
La nuit n’a pas été fabuleuse.
Au matin, à 7h, les marteaux piqueurs démarrent : le quai nécessite effectivement un coup de neuf… et c’est aujourd’hui qu’ils s’y mettent.
C’est décidé : non-seulement nous partons, mais en plus nous n’irons pas en ville : de loin, Mostaganem semble être une grande ville, sans grand charme. Le guide n’en conseille pas la visite.
La [très] douloureuse
Le temps de faire l’école… et vite, à 12h je hèle le flic en faction (il y aura toujours un policier qui surveillera le bateau en Algérie). Je lui indique que nous avons l’intention de partir. Il me donne l’autorisation de me rendre jusqu’à la capitainerie (à 200m).
Je suis reçu par les officiers du port, sympa. Malheureusement, la trésorerie est momentanément fermée : ils déjeunent. Je dois revenir vers 13h, 13h30. Je demande quel sera le prix : environ 6 000 Dinars [env. 50 €, une fortune ici] dit-il. Ca me semble cher pour le pays, la prestation du quai pourri et compte-tenu de ce que Ténès n’était pas payant !
Bon, nous allons déjeuner et j’y retournerai après.
A l’heure dite, je me représente et un officier m’embarque en voiture jusqu’à la trésorerie, un peu à l’extérieur du port (à 5 minutes).
La tête du comptable ne me revient pas. Il est obèse et vautré dans son siège. En fait, je suis dur, il n’y ait pour rien, mais tout se manège : l’attente, la trésorerie, … éveille en moi une intuition : ça ne va pas me plaire.
Il pianote sur son ordinateur, me fait encore remplir un formulaire (c’est bon, je connais tous les numéros de passeport par cœur), pianote encore, imprime une facture sur sa vieille imprimante matricielle… et il saisi la facture et me dit « Suivez-moi ! On va chez le caissier. »
Là je fulmine, mais je me retiens. Je tente un « c’est combien ? » et il me dit… « 24 000 Dinar » [env. 210 €].
Voilà, comme disent les américains : « the shit hits the fan« .
Dans un dernier effort pour me contenir, je dis qu’il doit y avoir une erreur, alors il explique :
– vous êtes arrivé à quai hier soir à 19h40 et là il est 14h, ça fait donc deux jours.
Il ose… j’ose aussi et je lui explique que ça fera 24h aujourd’hui à 19h39… et qu’au demeurant, je cherche à payer depuis midi, mais qu’il était en train d’avaler son chiche kebab.
Il baragouine que c’est comme ça qu’on compte les jours, etc., etc., etc.
De mon côté je lui rappelle le quai pourri, les pêcheurs puants, le réveil au marteau piqueur, l’absence d’eau, d’électricité, de douche, de WC, de poubelles, … en résumé, c’est un quai pourri.
Sur ce, j’interpelle l’officier du port avec lequel je suis venu :
– ok, et bien moi je ne paye pas ça ! Venez, on rentre au port et je m’en vais !
Et je sors du bureau l’attendre dehors.
Les gars parlementent, saisissent leur portables et appellent en arabe. Comme souvent, les échanges sont ponctués de mots français ou anglais : ils discutent avec le chef.
Ils me le passent : dans un français parfait, il m’explique que c’est comme ça, qu’il y a un tarif, et tout et tout.
J’ai eu le temps de reprendre mon calme : je lui réponds que j’ai demandé le prix la veille et que les types n’en savaient rien (l’officier confirme : il n’a pas le cahier tarifaire) ; que de surcroît à midi on m’a annoncé 6 000 DA.
D’ailleurs, ça tombe bien, j’ai 6 000 dans la poche et pas un centime de plus. Et puis que les choses soient bien claires : à ce prix, c’est plus cher qu’Ibiza et là-bas, à moins cher, j’ai le bateau d’un milliardaire en ligne de mire, et pas un cargo ou un porte-bétail, y’a l’eau, l’électricité… et probablement aussi tous les stupéfiants que les chimistes marocains, colombiens et afghans réunis ont pu mettre au point !
Il raccroche : il vient !
Le voilà : costume impeccable, grand sourire, « ah c’est vous », je lui serre la main et exécute les salamalecs d’usage. Il dit « Bon on va trouver un arrangement »… je pense « ben t’as intérêt, sinon tu ne verras pas la couleur de mes dinars, même si ça doit m’emmener au poste ».
Alors il me refait l’article, le cahier des tarifs, c’est un port de commerce, … et moi je ressors mes arguments, le mets dans ma situation : chez lui ça ne sent pas le poisson, son réveil de casse pas le béton, sa femme de souffle pas de la poussière, …
Et il fini par dire : « vous avez combien ? ».
Je réponds : « 6 000 DA » [env. 50 €, c’est déjà une escroquerie].
Alors il se lance dans un calcul invraisemblable avec le comptable, change l’heure d’arrivée (00h00), considère que je voulais partir à 12h00, que c’est 500 DA/heure… 6 000 DA et les taxes… 19% 7 140 DA ! « Ca vous va ? »
Bordel… que je suis faible : je dis « oui »………..
Après tout, il est déjà 16h30, ça fait des heures qu’on attend de partir. Qu’il aille au diable. J’empoche la facture, je lui lâche ses 7 150 DA et reprends la pièce de 10 DA… et l’officier me ramène au bateau.
Quelques minutes après et non sans une halte au poste des garde-côtes (pour RIEN, mais absolument RIEN, juste la plaisir de garnir leur quai pendant 15 minutes), Moutik fend l’eau direction Oran.
Lui est heureux : le vent est de travers, le code D est hissé de nouveau. C’est un comble, on ne dépense plus une goutte de gasoil dans le pays où le plein coute 0,17 €/litre…
Moi, je suis dégoutté. Il n’y avait pas un seul voilier à Ténès. Il n’y en a pas un seul à Mostaganem. Ok, je ne demande pas d’être invité gratuitement au messe des officiers : mais franchement, la place qu’on occupe dans un port de commerce au 3/4 vide et dégueulasse, ne peut pas valoir ce prix là.
Pour le lecteur qui n’a pas idée du prix : en France (ou en Espagne/Italie) en basse saison (maintenant) à 50 € on a une place sur un beau ponton bien propre, avec eau, électricité, accès à des douches, des WC, des poubelles de tri sélectif, du wifi illimité, …
Nous sommes l’attraction du jour, les badauds et même les flics montent à bord se prendre en photo, on risque d’abîmer le bateau sur leur quais pourris…
Mais allez-vous dire, je n’ai qu’à rester dehors et aller au mouillage !?
Ben ouais, mais ça n’est pas vraiment permis ! En théorie ça l’est, mais on nous a prévenu, si on le fait, la vedette de la police va probablement venir nous chercher et nous mettre au port. Pourquoi : parce qu’on est (pour notre sécurité ?) parqués. A chaque fois, nous sommes en « zone internationale » avec un planton en faction. Nous devons demander l’autorisation de sortir, montrer les passeports, nous faire accompagner, … Finalement, lorsqu’un port comme Mostaganem s’invente un tarif exorbitant, ils profitent du corner dans lequel nous avons été placé.
En tout cas, avis aux plaisanciers : quitte à naviguer toute la nuit, n’allez pas à Mostaganem. Je ne pense pas qu’ils aient envie de changer de politique tarifaire envers les très rares plaisanciers. De surcroît, la ville est sans intérêt et le port est nase.
9 commentaires
Ktou
Ben dis donc, il vaut mieux aller à l’Assekrem… Seulement en bateau c’est difficile.
Et il n’y a pas de chameaux sur les ports. Tristes ports!
Gérard Fitoussi
Ça ne te consolera pas Eric mais voici une anecdote : Y’a pas qu’en bateau et en Afrique : à l’époque où je pilotais des petits avions monomoteur à hélice, j’étais parti avec des potes faire une virée paresseuse jusqu’à Corfou. Paresseuse car on multipliait les haltes histoire de changer de pilote, de visiter et de prendre le temps de « sentir se passer le voyage ». Au départ de Roma Urbe (petit aéroport équivalent du Toussus le Noble en région parisienne) on fait les papiers, paye les taxes, prend du pétrole et on roule vers la piste. Mais là on nous rappelle : retour au parking et des policiers nous escortent jusqu’au au bureau des pompiers qui nous extorquent 100€ de plus (reçu manuscrit sur 1/4 d’une feuille A4 à petits carreau sans en-tête bien évidemment !) Et pas le choix car sinon pas de clearance. On fait ensuite escale pour les mêmes bonnes raisons à Bari et là on nous sort un tarif invraisemblable pour notre stop. On gueule mais soudain plus personne ne parle autre chose qu’italien (par d’anglais dans un aéroport international) et on nous montre une liste de prix inouïs, celui demandé figurant en bas de page (moins cher que 6000€ c’est encore cher, non ?!). Bien évidemment on refuse… le responsable ne sera pas là avant le lendemain ? Ok on reste. Bref on perd 24h (on aura bien visité la région : c’est beau les Pouilles !) et on finit par voir un vrai responsable et découvrir que le fameux barême qu’ils nous imposaient était celui des jets de ligne !
Eric
Mais tu vois, tenir jusqu’au bout, déjouer le machiavélisme du petit truand, … ça a quelque chose de sympa : une bonne petite victoire.
Claudine
Bon j’espère que tu vas quand même finir par avoir tes croissants livrés à bord de bon matin par un officiel quelconque avec le sourire ? Patience ?? Ou n’était-ce que du blabla sur un blog :-(.
Eric
Hier, le boulanger nous a offert le pain ; il a refusé notre paiement.
C’est déjà beaucoup, non ? On s’en approche, n’est-cep as ?
Eric
…bon et puis « on a fait l’erreur de demander un visa », de sorte qu’ils n’ont plus de raison de nous apporter le petit-déj. : nous, nous avons le droit de circuler librement.
Agathe
J’attaque le droit pénal algerien parce qu’à ce train (bateau) là, vous allez finir au gnouf!!!! Biz
Eric
Le droit algérien est tout droit inspiré du droit français : ça doit se faire facilement.
FLOURY Francoise
Et bien ! Répétition avant les ports marocains !! Courage