Cap au Nord !
Voilà, nous quittons Grenade, en conservant le souvenir d’une île et d’une population tranquille et un petit esprit tout anglais : jolies marinas, mauvaise bouffe ;-), …
Nous souhaitons retrouver nos bateaux copains. Certains sont trop loin : les belges de « LouiseAnna » ont filé vers le Nord, faisant l’impasse sur les Grenadines, car ils souhaitent rallier Panama d’ici fin-mars/début-avril pour profiter d’une traverser du Pacifique dans des conditions d’alizés. D’autres sont à portée : « Pouplier » et « Maracuja » sont en Guadeloupe. Encore plus proche : « MnMs » et « Jubilé » font presque route commune : ils étaient avec nous et remontent tranquillement au Nord.
Mais la route est longue : jusqu’à Pointe-à-Pitre, il y a 250 MN et encore, il y a des contraintes :
- c’est 250 MN en ligne droite, la réalité sera plus longue ;
- c’est principalement « au près », allure moins agréable car le bateau risque de taper (« planter des pieux ») ;
- nous devons faire un stop au Marin, au Sud de la Martinique, pour récupérer des pièces transmises par le chantier Outremer ;
- nous souhaitons aussi profiter du passage en Martinique pour faire de vraies grosses courses dans les hypermarchés modernes, renouveler les masques des filles (les autres sont devenus trop petits), etc.
A ce problème d’optimisation sous-contraintes, vient s’ajouter une mauvaise nouvelle : nos amis belges sur « MnMs » (Mathieu & Marion + 3 enfants) sont juste devant nous. Ils ont fait une halte à Vieux Fort, au Sud de l’île de Sainte Lucie, ils sont descendu à terre, de jour, le temps d’une petite excursion…
…en revenant sur le voilier juste avant la nuit, ils ont découvert le bateau fracturé. Le larcin est conséquent : tablette [qui sert à la cartographie], ordinateur, disque dur [avec toutes les photos], jumelles, télémètre, convertisseur 12V/220V, …
Cela me rappelle douloureusement que les plaisanciers n’échappent pas à la délinquance et que ces îles paradisiaques hébergent aussi, tout comme chez nous, des gens malfaisants. Il y a une vingtaine d’années, sur cette même île, un peu plus au Nord (Marigot Bay) le cata que nous avions loué entre amis avait été visité, alors même que nous dormions à bord (!). Et il y a environ 10 ans, avec Aurélie, ma sœur et mon beau-frère, nous étions au restaurant pendant que notre bateau était visité et vidé de ses téléphones, devises, …
Ce sera pour nous un avertissement sans frais. Nous allons presser le pas et renouer avec les navigations de nuit, qui permettent de faire facilement de la distance et, en l’occurence, d’éviter Sainte Lucie:
De Grenade à Cariacou
Nous rejoignons Tyrell Bay (là c’est court : 30 MN) ; on connait déjà, c’est paisible et bien protégé et l’on pourra faire facilement la clearance [les formalités] de sortie.
De Cariacou à Petit Saint Vincent
C’est encore plus court, mais c’est contre le vent (10 MN) ; c’est une île-hôtel, tranquille et avec une très belle plage (il faut voir, elle est nettoyée quotidiennement par le personnel).
De Petit Saint Vincent à Bequia
Un peu plus long (30 MN) ; là nous relâchons dans la baie de Port Elizabeth, où nous avions déjà fait un arrêt à l’aller.
De Bequia à la Martinique
Nous visons Le Marin (un peu moins de 100 MN) ; cette fois la route est longue et nous la ferons de nuit.
Nous quittons Bequia vers 17h, peu avant le coucher du soleil. Nous traversons plutôt rapidement le premier « canal », entre Bequia et Saint Vincent, car il est court et le vent est porteur. Puis la nuit tombe, nous sommes sous le vent de l’île de Saint Vincent, peu de houle, peu de vent, l’air est tiède, la lune est totalement absente, les étoiles sont très brillantes. J’avais oublié combien je m’étais habitué à ces navigations ; là, les conditions sont tellement tranquilles que je cherche à prolonger le moment : j’aurai bien veillé toute la nuit… si Aurélie ne s’était pas réveillée pour me chasser dans la cabine !
Il y a néanmoins une petite ombre au tableau : nous devons marcher au moteur… même dans le canal entre Saint Vincent et Sainte Lucie. Et le bateau se comporte bizarrement : alors qu’il n’y a aucune contrainte en principe (les moteurs tournent au même régime, les voiles sont équilibrées, …), la barre est franchement à droite et elle vibre !? D’ailleurs, on se traîne péniblement à 4-5 kts, ce qui ne s’explique pas par le seul courant que nous prenons de face. Après mon quart, je m’endors en égrainant les possibilités : un inverseur défectueux, un safran défectueux, un truc accroché dessous, …
Je me réveille en y pensant encore et dès qu’il fait jour, je prends la GoPro dans son petit caisson étanche et je la plonge à bout de bras, sous l’eau, en visant la dérive, le « skeg », le « saildrive » [l’hélice], le safran ; et pareil de l’autre côté. Verdict : des sargasses ! Des tonnes de ses algues maudites gainent les saildrives et les safrans… même les hélices en sont couvertes !!! Arrêt et marche arrière à toute vapeur… et nous sommes débarrassés de ces passagers clandestins : Moutik rejoint le Marin, enfin à pleine vitesse !
En quittant le chenal pour rejoindre un poste de mouillage, une annexe fonce sur nous : c’est Jean-Pierre Balmes, skipper du chantier Outremer (et auteur d’une superbe performance lors de la dernière Route du Rhum, en se classant 5ème, à bord d’un Outremer 4X, comme le notre, mais un peu plus « carboné ») , qui est là, sur l’Outremer 5X (59 pieds…) « Sarenela ». Il nous salue rapidement et nous félicite pour notre entrée à la voile, mais repart aussitôt à pleine vitesse : l’annexe n’est pas la sienne; on vient à peine de lui piquer la sienne !!! Décidément, l’heure est à la rapine.
Petite halte au Marin, puis direction La Guadeloupe
Les îles françaises, que l’on soit français ou pas, sont bénies des navigateurs : elles sont sûres, riches en activités et visites touristiques et on y trouve des supermarchés dignes de la métropole.
« Super U » et « Decathlon » auront l’honneur de notre visite. Puis je récupère des pièces transmises par le chantier Outremer (des filtres au charbon actif qui s’intercalent entre le sommet de la cuve à « eaux noires » et l’évent situé sur le devant de la nacelle… sacré programme, n’est-ce pas ?)
Mais Le Marin on connait déjà et la Martinique, on y a déjà passé un moment… même si nous souhaiterions y passer plus de temps. Là, nous allons abandonner le bateau belge « MnMs » pour rejoindre le bateau français « Pouplier ». Donc une fin d’après-midi, peu avant le coucher du soleil, nous reprenons la direction du chenal, puis vers le Nord. Le soleil se couche lorsque nous passons le rocher du diamant : nous rejoindrons directement la Guadeloupe, en longeant la côte sous le vent de la Dominique durant la nuit. De nouveau, une navigation tranquille, avec peu de vent et une nuit tiède. Comme d’habitude : les petites dorment sur la table abaissée du carré, Aurélie et moi nous succédons à la barre, pour surveiller le vent et les bateaux (peu de pêcheurs, mais quelques ferries et d’autres voiliers).
Au matin, nous arrivons aux Saintes, de jolies petites îles au Sud-Ouest de la Guadeloupe. Mais nos amis sont là-haut, à quelques miles plus au Nord sur la côte sous le vent de la Guadeloupe : nous passons donc les Saintes sans nous y arrêter… peut-être redescendra-t-on ?
Nous filons à bonne vitesse vers la « Réserve Cousteau ». C’est un périmètre marin classé réserve naturelle (interdiction de la pêche ou de tout prélèvement). Nous arrivons à l’heure du déjeuner : nos amis de Pouplier et de Maracuja nous y attendent ; la joie des retrouvailles est sincère !
L’après-midi nous découvrons la réserve avec masque et tuba : les coraux sont magnifiques, les poissons, très variés, sont énormes et peu farouches. Une réserve, ça marche !
Nous demeurons quelques jours ici, enchaînant les plongées (nous disposons du matériel à bord… et nos amis de Pouplier ont cassé leur tirelire et viennent juste de se procurer du matériel également).
Un coup de vent s’annonce (ici, ça veut dire « toujours du vent, mais plus fort »), donc nous progressons un peu plus au Nord, à Deshaies, où la baie doit être moins exposée.
La baie de Deshaies, bordée d’un petit village tranquille, dispose également d’un joli Jardin Botanique dominant la baie.
Et à quelques kilomètres, à Vieux Fort, nous trouvons à louer une voiture pour 2 jours : le Zoo de Guadeloupe, balade dans la forêt, les Chutes du Carbet… mais pas le volcan : le jour où j’avais prévu une ascension, il pleut… comme il pleut sous les tropiques. On ne voit pas à 100m !
Et enfin, les yeux ravis par les plongées, la forêt tropicale, les chutes d’eau… et les soutes pleines, nous hissons les voiles, toujours vers le Nord : 40 MN jusqu’à Antigua.
6 commentaires
Patou
Ah oui, ça me laisse rêveur, on sent le calme et la beauté des paysages en lisant cette prose, les photos sont évocatrices ; jadis on avait fréquenté ces lieux, assez différemment puisque nous étions essentiellement « terriens » mais ça me rappelle beaucoup ces moments là. Les guadeloupéens voyagent-ils toujours en bus, toutes vitres baissées et la musique à fond !? les musiciens en vogue à ce moment là s’appelaient, je crois « la compagnie créole ». Allez au Saintes, ne serait-ce que pour faire un petit pèlerinage sur la plage de Pompierre (qui semble avoir bien changé) et dire bonjour aux iguanes. Bonne continuation et aussi, Ah AH, attention à Madame Coco, celle qui marchait sur les vagues en tenant son ombrelle, et comme elle était très belle ça distrayait les marins qui allaient s’échouer sur la Pointe des Châteaux ; Aurélie soyez attentive, au besoin enfermez Eric dans la cabine quand vous passerez à quelques encablures de cet endroit magique. C’est la même histoire partout, la Lorelei sur le Rhin et toutes les légendes sur les sirènes qui envoutent les marins …Bises.
Gerard Fitoussi
Là on est sur-gâtés question texte et images. Merci pour vos efforts. Ces lectures me comblent toujours et j’attends avec impatience l’épisode suivant. Grosses bises !
Mapie
Allez les amis dépêchez vous on vous attends à Saint MARTIN pour un Ti’Punch🏝🍸
Agathe
Comme d’hab, et pour être honnête cette fois, ça fait toujours rêver, et d’autant plus qu’il y en a aussi pour les terriens! Ici, l’hiver traine avec un passage printaniers trompeurs. A Val d’Isère, les jours de neige alternent avec les jours de grand soleil et donc de la neige toute fraîche…. donc pas si terrible que ça! Antigua…. bon souvenir, mais moins de charme que les îles françaises qd même! Biz
Lilian
Bonjour les Moutiks,
Je suis avec beaucoup d’intérêt le récit de votre voyage.
Je vous remercie d’ailleurs de partager aussi qualitativement votre périple.
Je caresse l’espoir de convaincre un jour ma femme de me suivre avec notre petit dernier de 6 ans pour une parenthèse à durée indéterminée.
J’avais vu vos vidéos avant votre départ dans le contexte Outremer où vous expliquiez vos motivations pour ce chantier.
Avec du recul, le 45 vous apporte t il ce que vous cherchiez ?
Au delà des aspects fiabilité et qualité de services, est-ce la bonne taille ? le bon compromis confort / performance ?
Quant au voyage, y a t il un décalage important entre l’idée que vous vous en faisiez en phase de projet et ce que vous vivez depuis quelques mois ?
C’est peut être indiscret mais votre boucle va t elle se poursuivre coté Pacific 🙂 ?
Portez vous bien et merci de continuer à nous faire réver 😉
Lilian
Eric
Bonjour, je viens de vous répondre par email…