Oran
03/10 – Arrivée à Oran
En provenance de Mostaganem, nous arrivons en vue d’Oran de nuit. La navigation s’est effectuée à la voile, à bonne vitesse de nouveau. C’est un réel plaisir de hisser les voiles, de constater que le vent est portant, de sentir le bateau « s’envoler » ; car il vole vraiment dans ces moments là : il va vite, cela annule la houle et le roulis ; les filles jouent, s’inventent des mondes dans un coin du bateau ; nous pouvons écrire un article, nettoyer, …
Avec la nuit, le vent tombe et nous terminons l’approche au moteur. Il y a beaucoup de pêcheurs. Ils pêchent au lamparo, entre les cargos et tankers au mouillage devant le port d’Oran.
Des gros bateaux, il y en a des dizaines. Heureusement, l’AIS et le radar, couplés à une veille soigneuse, rendent la navigation plutôt aisée dans cette forêt d’acier.
Après nous être annoncés, nous entrons et faisons une halte chez les garde-côtes, à droite en entrant dans le port. En pratique, personne ne s’y arrête jamais vraiment : les bateaux locaux font un signe de la main et poursuivent leur chemin. Les cargos n’ont pas à se plier à cette pratique. Mais nous, des étrangers, sur un « petit bateau », n’avons pas le choix : arrêt obligatoire, passeports et tout le toutim… En plus, ici, il n’y a pas de fond au niveau de leur quai : un (léger) raclement rappelle à l’ordre ; un safran a dû toucher quelque chose.
Puis la pilotine, de retour d’un cargo, nous oriente dans le port et nous désigne de son projecteur un quai vide, entre l’immense ferry d’Algérie Ferries et un tout aussi grand cargo de grain. Comme d’habitude maintenant : quai à la hauteur démesurée, gros boudins de caoutchouc noir, bites d’amarrage hors d’âge, quai crasseux, …
Il y a bien un port « de plaisance » à Oran, mais il est principalement occupé par des bateaux de pêche et surtout il n’est pas « sécurisé » comme nous disent les officiels, à savoir qu’il n’y a pas de brigade de police en poste dans cette partie du port.
Quelques minutes après, on reçoit la visite les officiels, de la police, … mais nous sommes rodés : on sait le temps que ça prend, on a les copies, on montre les filles en train de dîner pour amadouer tout le monde, etc.
Malheureusement, le ferry a les moteurs / la clim. / … qui tournent toute la nuit : on dort, mais pas au mieux. Et au matin, les déchargements et l’activité du port commence tôt.
04/10 – Visite d’Oran
Nous avons l’autorisation de circuler librement. Cela paraît étonnant de devoir le préciser puisque nous avons un visa, avons montré patte blanche, etc. mais c’est un fait, dans ces ports de commerce, nous sommes enfermés et surveillés par des policiers systématiquement. Et lorsqu’on exprime l’envie de sortir, la réponse est toujours « non ». Il faut insister, demander qu’il appelle son chef, pour que la confirmation arrive. D’ailleurs, elle n’arrive pas par radio : le chef se fait conduire en voiture jusqu’à nous, serre les mains, « bienvenue en Algérie », mise en garde d’usage sur la sécurité, …
Nous sortons de la zone protégée par un dédale de hangars interminable… non sans être arrêtés par des policiers qui appellent chacun le chef pour se voir confirmer que nous pouvons circuler… puis nous hélons un taxi direction Oran.
Les chauffeurs de taxi sont en général adorables et pas truands : soit ils ont un compteur, soit ils annoncent un prix décent (c’est à dire plus élevé que pour les locaux mais très raisonnable quand même). Celui-là nous amène à la « bibliothèque », l’ancienne cathédrale d’Oran. L’extérieur du bâtiment est magnifique et bien entretenu, l’intérieur est plutôt sobre (une église dépouillée de tout ses ornements, ça ressemble plutôt à une cave ! Quant à la bibliothèque… ça ne casse pas trois pattes à un canard : à la place des bancs sont installées de grandes tables, très peu peuplées, à peine une poignée d’étudiants penchés sur des livres et cahiers. Sur les côtés, des étagères où s’alignent assez peu de livres (pour la taille de l’établissement).
Le chauffeur de taxi nous avait désigné, juste avant d’arriver à la bibliothèque, des petites rues où trouver des restaurants « locaux ». Nous avançons au hasard. Oran est une grande ville : des fonctionnaires, des entreprises, … donc méfiance : certains restaurants sont plutôt chics et affichent des tarifs quasi-parisiens ! Nous approchons d’un petit établissement spécialiste des poissons et fruits de mer. Je jette un œil à l’intérieur : Aurélie sera la seule femme… alors que j’hésite, le seul barbu des convives me fait un grand sourire, m’invite à venir en symbolisant que l’endroit est très bon.
Nous entrons et nous attablons. Les filles partagent une belle tranche d’espadon (met de choix ici), Aurélie une dorade grillée agrémentée d’une bonne sauce épicée et moi un plat de poissons et fruits de mer mixte : grosses sardines, tronçons d’anguille, petites seiches : un régal.
Une petite surprise néanmoins : ici, on ne s’embarrasse pas de préparer les seiches : elles sont entières ! C’est à dire : non vidées, avec l’os, les intestins et l’encre. Je croque vigoureusement la première… et me voilà en train d’évacuer de ma bouche les éclats d’os de seiche teintés d’encre.
Le patron a vécu en France de nombreuses années. Il parle un français parfait et est très flatté que nous nous soyons arrêté dans son établissement. Après nous avoir raconté sa vie, interrogé sur la nôtre, offert 3 ou 4 échantillons de différents plats, il nous apporte ses clés de voiture en nous proposant de la garder pour la journée.
Le ventre plein, nous nous promenons dans les grandes rues de Oran : architecture européenne datant de l’époque de présence de la France.
Une petite halte dans une boulangerie : le pain ne coûte pas grand chose (10 DA = 0,10 €)… mais le boulanger nous l’offre : « bienvenue en Algérie ». Si le sourire ne prouvait pas la franchise du propos, on finirait par penser que la phrase est automatique.
Puis nous négocions un taxi vers « Santa Cruz » : c’est un ancien établissement religieux (chrétien) qui domine toute la ville d’Oran : panorama qui vaut le déplacement.
Quelques courses sur le retour et le taxi nous dépose à la gare maritime : nous rejoignons notre « cellule ».
Le soir, la « rougaille saucisse » termine à peine sa cuisson (petite pensée pour Melina qui nous a confié sa recette!)… pfffff… plus de gaz ! Mauvais, très mauvais : le gaz, c’est essentiel pour cuisiner. Les plaisanciers au long cour le savent, c’est l’angoisse. Les formats que l’on trouve en France ne sont pas universels, les échanges ne fonctionnent donc pas toujours. Quant au remplissage, encore faut-il que les filetages soient compatibles… bon, ça devait bien arriver un jour de toute façon ! Mais nous qui souhaitions partir le lendemain à l’aube, ça condamne un peu le planning.
Je tente d’aller rapidement m’en occuper ce soir… mais le flic de permanence m’explique qu’il y a des procédures, les gaz, les bouteilles, les bombes, … certes, avec ma barbe désormais épaisse et une bouteille de propane sur mon diable, je ressemble à un djihadiste prêt pour affronter le jugement dernier. Ça attendra donc demain matin.
Une consolation tout de même : le ferry appareille pour Algesiras en Espagne. Nous assistons à l’embarquement des passagers, des voitures, des camions, à la fermeture des portes, le largage des immenses amarres, l’arrivée du pilote et du pousseur (tug boat) : les policiers, les officiers de port, le personnel du ferry sont adorables ! J’assiste à la scène avec une petite dans chaque main : ici on adore les enfants, on les embrasse, on les complimente. Au moment de partir, l’un deux, perché sur le deuxième ou troisième pont du navire, hèle un loufiat resté sur la passerelle d’embarquement des véhicule, lui lance une pomme et lui fait signe de l’offrir aux filles qui se fendent d’un « choucrane » [merci] : elles commencent à maîtriser l’arabe !
La nuit aurait été plus calme : c’était sans compter sur le vent… celui qui nous aurait tranquillement porté vers l’Ouest… Moutik danse toute la nuit dans le ressac du port. Les pare-battes sont méconnaissables : ils sont malmenés entre la coque et le mauvais quai… bon, consolons-nous : un pare-batte, ça n’est pas conçu pour faire joli.
Un commentaire
Agathe
Vive les algériens, c’est fou tous ces gens sympas que vous rencontrez!! Dommage que les ports ne soeint pas plus adaptés à la nav.de plaisance. Biz