2 mois déjà…
Ressenti après deux mois de vie à bord.
Lorsque nous discutions de notre projet, je me disais toujours « il y aura en gros 25% de moments merveilleux, 25% de journées agréables, 25% de périodes neutres et 25% de grosse tension », mais en disant cela je pensais à des tensions liées à la navigation.
Dans les faits, ces derniers mois, la répartition par 25/25/25/25 est assez juste mais les tensions ont été, en ce qui me concerne, principalement liées à notre mode de vie et pas tellement à la navigation.
Je m’explique.
Oui évidemment la prise en main du bateau engendre un certain stress, mais rien que nous n’ayions rencontré par le passé lors de nos diverses locations. S’ajoute tout de même la conscience que cette fois-ci c’est notre maison que l’on peut abîmer et surtout, nos enfants que l’on peut mettre en danger. Mais globalement rien de très nouveau.
En revanche, la vie à 4, 24h/24h, dans 30m²…… ça c’est du changement, du vrai.
Et je ne l’avais pas vraiment anticipé. Je me disais que ça serait comme lorsque l’on part en vacances 3 semaines en Dordogne dans une maison que l’on ne connaît pas… 3 jours pour que chacun trouve sa place et roule ma poule.
Que nenni ! Sur un bateau, point d’échappatoire. Même lorsque l’on envoie les filles nager autour du bateau ou à la plage, il faut toujours garder un œil, être présents.
Et puis il faut retrouver une routine quotidienne acceptable pour tous. Or beaucoup de choses sont plus compliquées, comme faire les courses, une lessive ou réussir à se connecter à Internet. Désorganisation, sentiment de perdre son temps, frustration, tension. CQFD.
Conclusion au bout de 15 jours, j’étouffais. J’avais le sentiment d’être prisonnière d’un huis-clos qui allait durer un an.
Et si je m’étais trompée de projet ? Et si tout ça n’était finalement pas pour moi ?
Avec Eric, nous nous sommes toujours dit que nous n’avions rien à prouver avec ce voyage et que si l’un ou l’autre d’entre nous n’y trouvait pas son compte, nous n’hésiterions pas à rentrer plus tôt que prévu.
Mais là encore, les questions se posent différemment lorsque la crise pointe son nez.
Comment prendre le droit de tout remettre en question alors qu’Eric, lui, semble tellement heureux d’être là ?
Au bout de combien de temps peut-on conclure légitimement que finalement ça n’est pas notre histoire ?
Et maintenant que je suis en sabbatique pour 12 mois, si je renonce à ce voyage, ce sera pour faire quoi à la place ?
Bref, étant de nature réaliste mais optimiste :
- je me félicite d’être capable d’une telle honnêteté envers moi-même
- j’appelle les cops pour vider mon sac et arrêter de me regarder le nombril
- je demande à ma petite voix intérieure qui me répète ces questions en boucle de la fermer
- et je décide de me donner 3 semaines de plus pour voir comment évolue notre huis-clos à cinq : Eric, les filles, Moutik et moi, avant de prendre une quelconque décision.
La bonne nouvelle, c’est qu’en fait un départ en bateau, c’est comme l’arrivée d’un enfant.
C’est pile quand vous commencez à chercher le numéro de téléphone de la DASS et à vous renseigner sur les procédures de renoncement à sa parentalité, que le nouveau-né se met à vous sourire et à faire ses nuits. Halleuia.
Eh bein là, idem.
Pile au moment où je cherchais sur Google les mille et une façons de saborder un bateau sans éveiller les soupçons de son assurance, je me suis surprise à parler de « la maison » en évoquant Moutik. C’est aussi le moment que choisi Éole pour me gratifier d’une journée de vent parfait pour que je retrouve toutes les sensations de navigation que j’adore (aaaaaah ce sang de marin breton qui coule dans mes veines ! Rien de tel que de flatter mon ego bzh pour que je redémarre au quart de tour.). Cerise sur le gâteau, les filles oublient leur rengaine quotidienne « je m’ennuiiiiiie….. je ne sais pas que faire…. mes amis me maaaaaaaannnnnquent…. », au lieu de quoi elles s’éclatent dans leurs cabines, dont l’accès nous est interdit, sortent par leur hublot puis sautent de la proue du bateau avant de s’enfuir en kayak en gloussant…
Je dois également avouer qu’Eric a tout fait pour me mettre dans les meilleures conditions possibles pour passer le cap. Par exemple, il partait régulièrement avec les filles faire un tour à terre ou en annexe pour que j’ai du « temps pour moi ». Parenthèses essentielles pour moi et appréciées à leur juste valeur. Ou il rongeait son frein en faisant des navigations courtes et en ne sortant en mer que si les conditions météos étaient optimales, m’évitant ainsi de développer un ulcère et de pendre mes filles à la drisse de grand voile avant de les hisser en haut du mât.
Toujours est-il qu’au bout d’un mois j’ai commencé à me sentir bien sur Moutik; que nous avons tous les quatre commencé à réellement trouver notre place à bord.
Depuis chaque jour qui passe me conforte dans nos choix.
Une fois repassés à la Grande Motte pour la visite de neuvage, nous avons enfin entamé le parcours qui nous a tant fait rêver. Et les vacances d’été étant passées, nous profitons de la quiétude de mouillages vierges de monde. Les filles ont gagné une autonomie qui m’épatent. Et tous les quatre n’avons jamais été aussi complices.
Bon ce n’est pas le monde de Oui-Oui non plus, faut pas rêver.
Il y a toujours des sujets de tension comme par exemple l’école, qui me pourrit 5 matinées sur 7 (j’y reviendrai dans un article dédié) ou l’avitaillement, qui revient à faire les courses (toujours pas compris ce besoin qu’ont les marins de renommer le moindre truc…) mais sans livreur, dont même l’odeur de transpiration me manque aujourd’hui, dans des magasins que tu ne connais pas donc tu ne trouves rien et branchée non-stop sur Google Translate pour être sûre que ce que tu achètes est bien du porc et pas du chien…. tout ça avec la pression de te dire que si tu oublies un truc il va te manquer pendant 3 semaines voire 3 mois !….
Bref, aujourd’hui j’ai le sentiment d’être là où je dois être et j’ai hâte de voir ce que la suite du voyage va nous apporter.
To be continued…
13 commentaires
Stéphanie
1er passage sur le blog ce soir et j’ai littéralement dévoré vos aventures. C’est trépidant, dépaysant, drôle et émouvant… Je suis déjà addict…Heureusement il reste 10 mois d’épisodes!
Aurélie
Punaise, ça nous met la pression pour la rédaction des prochains articles! 😉
Mapie
Très beau blog très beaux articles à votre image les amis : humour tendresse sincérité et biensur tout ça avec un zeste d’aventure⛵️⛵️⛵️Alors surtout continuez et faites nous vivre ce blog que l’on puisse vous suivre partout sur les océans.
Kino
Je reconnais bien là ma Lélie😍
Nathalie CLEMENT
Génial votre projet, quel plaisir de vous lire et de voir autant d’anecdotes, de partages en toute franchise !
Eric
Merci! Et vous, votre projet se précise?
Galopin
Huit clos… C’est fou comme ce livre est encré dans ma mémoire de lycéenne : notre année de rencontre d’ailleurs ! Et te voilà a l’expérimenter en pleine mer. Aurais tu cru cela??
Aurélie
Je m’en souviens comme si c’était hier! Et j’ai d’ailleurs pris à dessein la photo de la couverture de l’édition que j’avais à l’époque 😉
Agathe Moreau
mouhai mouhai mouhai…. « 2 mois déjà… », le huis clos et autres supplices de la vie à bord ne m’enlèvent pas la conviction que vous avez fait là un choix courageux et que l’aventure est fantastique, et que nous, les « rampants », on vous envie sans oser faire pareil!! Heureusement, la saison des gastros arrive, et avec un peu d’imagination, en se foutant à poils par grand vent sur le balcon la tête dans un seau, on pourra peut etre, avec un soupçon d’aigreur et une once de jalousie, se dire qu’on vit votre vie…. mais en attendant c’est une top aventure! Manquerait plus que ce soit rose (et non bleu) tous les jours!!!
En tout cas, on est accro au blog et à MarineTraffic qui nous font voyager par procuration. Bizzzzzz
Eric
Deux fois. Mais avec une variation. C’est top on a rigolé deux fois plus.
Bises
Agathe
Et puis quoi encore! Tout n’allait quand même pas être tout rose tout le temps – faut du blues aussi (ouaf ouaf) !
Ca reste une belle aventure et le choix est le bon ! Pensez à nous, pauvres rampants, qui trimons dans l’hiver qui arrive à grand pas à Paris. La saison des gastros se profile, youpi! En se mettant à poils sur le balcon par grand vent, la tête dans un seau, on se consolera, jaloux, en se disant que si, si, ça c’est votre quotidien!
En attendant, vous nous faites bien rêver avec votre blog, on va s’y accrocher d’autant plus que la grisaille ne va pas tarder à pointer son nez et la saison de ski est encore loin (Pan ! Vous, vous ne skierez pas …. niek niek!)
Bon, suis au boulot, …. quelques dossiers bien glauques m’attendent, je raccroche ! Biz biz biz biz A.
delepau
salut les amis,
Bon plutot pro le blog mais j’en attendais pas moins de vous!
on va pouvoir vous pister avec les beaux sites d’eric!!
content d’avoir de vos nouvelles …je suis au bureau devant mes ecrans de merde!
bises
Eric
Tu sais, des écrans y’en a aussi à bord, même que j’y travaille régulièrement. Sauf qu’en levant les yeux, y’a la mer, et qu’en levant les fesses, on est dedans en 5″… Bises.