La vie à bord,  Les navigations

Oran – « Mission propane »

05/10 – Vendredi… c’est dimanche

Dès 8h, je sors du bateau, place de nouveau la bouteille vide sur le mini diable soigneusement embarqué en France, petite musette sur le dos, Dinars en poche… et je me signale au planton. Il appelle son chef. Le chef arrive en voiture.

– Mais Monsieur, aujourd’hui c’est vendredi, jour de prière et férié. Tout est fermé. Impossible d’avoir du gaz !

La guigne ! La poisse !! L’enfer !!! Le départ tombe à l’eau.

J’insiste :

– Enfin, il y a bien des voitures qui circulent ? Les stations services sont ouvertes. Non ?

Le type est catégorique. Peut-être ce soir… mais là, y’a rien à faire. Même trouver un restaurant à midi semble condamné. Il ironise en indiquant qu’il faut trouver un restaurant chinois.

– T’inquiète pas mon frère !

Ouais, ben le frérot, là, il est tendu ! Et il ne veut pas manger du chinois. Il faut donc attendre le soir au mieux ou le lendemain…

On fait donc l’école le matin. On mange, froid, sur le bateau. Le vent qui s’est levé depuis hier charrie une méchante poussière. Ajoutons à cela les kilomètres parcourus par les godillots des officiels : le pont de Moutik est infâme. Il n’y a pas d’eau… on économise la nôtre car il est hors de question de faire tourner le dessalinisateur dans le port, sous peine de colmater immédiatement le filtre et de détruire les membranes avec, entre autres, les hydrocarbures qui flottent.

Le soir, la nuit venue, nous sortons pour aller au restaurant : ce ne sera pas chinois, mais indien. On trouve difficilement un taxi on lui indique la destination : « place du 19 mars ». Ça ne lui dit rien, de chez rien. Pourtant sur Google Map, c’est une place majeure du nouveau Oran… là je lâche le nom du restaurant : « Maharadja Oran »… « mais oui je connais !!! » et là tout heureux avec son comparse (il n’est pas rare qu’il y ait à l’avant le conducteur et un copain, l’arrière étant réservé aux clients : nous y sommes serrés), il lance l’autoradio à fond sur le dernier tube orannais. Ils chantent tous les deux pour couvrir ce qu’il resterait de silence : on n’entendrait pas une grenade sauter !

Ils nous dépose devant le restaurant, dit qu’on paye ce qu’on veut, me parfume pour la soirée, nous laisse son numéro de téléphone en disant qu’on appelle quant on veut… ça n’est plus une légende : les algériens sont réellement charmants et accueillants.

06/10 – Mission propane

Là ça fait deux nuits de trop dans ce grand port de commerce pas du tout fait pour les bateaux de plaisance.

De nouveau, dès 8h, je remets ma bouteille à quai, prépare mon sac pour en profiter pour faire un rapide marché et j’appelle le planton.

Et oui, de nouveau ça semble compliqué. Il faut attendre. J’attends, rien ne se passe. Donc là je remets en route ma tête des mauvais jours (comme à Mostaganem avec la facture idiote du port). Je lui explique que la moutarde me monte au nez, qu’ils me cassent les pieds avec leur procédure, alors que moi je ne peux même plus préparer un petit déjeuner chaud à mes petites filles… le gars semble ennuyé, « vas-y mon frère, c’est bon ». Il en prend la responsabilité ? Je ne sais pas, mais je ne demande pas mon reste : je pars dans l’immense avenue du port de commerce, vide, et je me dirige vers le portique de sortie, ma bouteille en laisse. Arrivée au portique, une policière souriante s’occupe de moi : elle me trouve le meilleur taxi : « Schouffe Wahad Confiance ! » dit-elle au planton… je commence à comprendre le sabir local : « Schouffe » = regarde, « Wahad » = un, premier, meilleur, « Confiance »… c’est du français !

La promesse est au rendez-vous. Le gars n’a plus toutes ses dents, mais il parle parfaitement français (il a un temps travaillé à Marseille) et il se démène : il m’emmène au meilleur marché (« de la Bastille »), m’accompagne, négocie pour moi, puis dans une excellente pâtisserie où l’embarque un bon kilo des meilleures pâtisseries orientales [c’est mon pêcher mignon, je serai capable de me boucher les artères avec la boîte entière]. Et nous finissons par une virée dans les stations services : dans la deuxième, pour la modique somme de 200 DA (moins de 2 €…) je cède ma bouteille vide et j’embarque la même (largement plus rouillée et défoncée), pesant 13 Kg de propane en plus. C’est le même filetage (j’étais venu avec mon détendeur de secours pour être sûr), la même dimension : ouf !

Retour au port, installation de la bouteille, la police vient, l’immigration fouille, … et enfin le départ de « Oran la poussiéreuse ».

Passage obligé chez les garde-côtes, attente normale, « quelles sont vos intentions ? », « ben, Îles Habibas, puis Ghazaouet », « Ah, mais impossible d’aller aux Habibas, c’est protégé, il faut une autorisation »…

On parlemente. A quoi bon d’ailleurs ? De toute façon, c’est sur notre chemin, on verra bien.

Dehors, nous attendons d’être un peu éloignés et nous lançons enfin la production d’eau et nettoyons le pont à grand coup de seaux d’eau de mer et de balais à pont. Ça n’est pas le meilleur nettoyant, mais ça fera l’affaire pour le moment.

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