Les navigations

Arrivée au Maroc

08/10 – Ghazaouet – Melilla

Après avoir quitté Ghazaouet, nous voguons vers l’Ouest, quittons les eaux algériennes et entrons en eaux marocaines. Nous souhaitions éviter la zone frontalière, réputée sensible… ce sera donc denouveau une longue navigation.

Dès notre entrée dans les eaux marocaines, nous sommes rattrapés par une réalité bien sombre : la VHF (la radio marine) crache 6 à 8 fois par jour des messages à l’attention des navigateurs, indiquant la présence de petites embarcations à la dérive avec entre 20 et 80 personnes à leur bord…. Et puis soudain, le message passe de “pan pan” (signalement d’une avarie) à “mayday relay” (signalement d’un danger de mort) et on apprend que 66 personnes sont à l’eau. Les gardes-côtes espagnols demandent à tous les bateaux passant dans la zone d’effectuer une veille attentive et de leur signaler toute information concernant ces naufragés.

Et là, personnellement, je suis assaillie par différentes émotions. Je ressens une énorme tristesse et une boule au ventre en pensant à ces gens qui montent dans des embarcations aussi légères pour traverser une mer qui peut s’avérer très dangereuse. Et à la fois, une angoisse à l’idée de les croiser car, même si instinctivement nous aurions pour réflexe de vouloir nous approcher d’eux et leur fournir de l’aide (par exemple en leur jetant des bouteilles d’eau, nos gilets de sauvetage “invités”, de la nourriture…), et même si les lois internationales imposent à tout bateau de porter secours à une personne en danger en mer, nous devons aussi penser à garantir la sécurité de notre bateau (on ne peut techniquement pas accueillir 60 personnes à bord). Par ailleurs, nous pensons également au choc psychologique qu’une telle situation pourrait engendrer pour les filles.

Beaucoup d’interrogations auxquelles nous ne trouvons pas de “bonne” réponse.

Donc nous continuons d’avancer en évitant, tant que faire se peut, de trop y penser.

Alors que la nuit tombe, nous entrons dans le « double-port » : Nador côté Maroc et de l’autre, Melilla, enclave espagnole qui sera notre étape du jour.

Marina moderne, à l’européenne, avec eau, électricité, wifi, … On a l’impression de rêver. Le type de la capitainerie nous guide et nous désigne une place : c’est lui qui se charge de TOUTES les formalités : il prend et scanne les passeports, puis pianote quelques trucs… le tout est immédiatement transmis à la Police de l’Air et des Frontières, aux douanes, … et voilà, nous sommes de retour sur le territoire de l’U.E. Pour une nuit, le tarif pour notre relativement gros bateau est de… 15€ !!! C’est dérisoire. Je ne comprends pas comment ça peut être rentable : un petit voilier doit payer quelques €uros à peine par jour!

La nuit sera extrêmement calme et réparatrice.

09/10 – Melilla – Al Hoceima

La météo indique qu’il va y avoir du vent aujourd’hui mais que pour les jours suivants ce sera calme plat. On se dit qu’il faut en profiter pour avancer.

Donc après un peu d’école, nous quittons Melilla… avec le regret de ne pas avoir pris le temps de visiter ce petit bout d’Espagne, sa ville fortifiée, etc…

La navigation est longue : à la voile d’abord, pour remonter la pointe qui s’avance vers le Nord, il n’y a que peu de vent et une grosse houle. Puis au moteur, quand le vent s’éteint.

Puis de nouveau le vent monte et Dédé le code D entre en scène, faisant grimper notre moyenne de quelques nœuds… mais il va falloir tirer des bords de portant. C’est interminable, les petites s’ennuient. Léo demande où est la cuvette…

Ce n’est que vers 21h30 que nous pénétrons enfin dans le port d’Al Hoceima, notre première halte marocaine, non sans avoir vainement appelé à la VHF. Le premier bassin, de commerce, est tout simplement vide. Nous croisons tout de même un militaire qui nous indique l’entrée du tout nouveau port de plaisance dont notre guide (édition de 2012…) ne faisait pas mention. Nous y allons tout doucement… le port n’est pas grand et à part quelques petits bateaux à moteur, aucun voilier pour nous rassurer sur la profondeur de l’endroit.

Malgré le silence radio, nous avons la bonne surprise de voir deux hommes sortir de l’ombre pour nous aider à accoster sur un pontant flottant tout neuf. Par contre, l’égout ne doit pas être loin; on se croirait dans le RER A.

10mn plus tard, police, douane et immigration montent à bord mais ici les formalités ne s’éternisent pas. Un quart d’heure plus tard nous sommes tamponnés : “bienvenus au Maroc !”

Petit port de plaisance… très vide !

Le lendemain, l’odeur s’est dissipée et des employés du port s’activent pour nettoyer tous les pontons et ramasser les déchets qui traînaient dans l’eau. Nous découvrons donc une marina très propre et globalement agréable. Même le port de pêche qui jouxte le port de plaisance est bien organisé et très propre.

Nous partons nous promener dans la ville d’Al Hoceima et découvrons une petite ville de province sympathique. Nous finirons la journée, à l’Espace Miramar (oui, ici on parle arabe et espagnol, bien avant le français), sorte de jardins andaloux en terrasses surplombant la mer, à siroter un thé à la menthe en dégustant de succulentes pâtisseries marocaines (achetées à la très bonne boulangerie-pâtisserie Azir, rue Youssef ben Tachfine).

Nous passons une deuxième nuit dans la marina d’Al Hoceima (environ 32€ la nuit) et le lendemain, nous appareillons direction Chmaala, où nous devrions trouver un petit port qui accepte les bateaux de plaisance, d’après notre guide qui, re-précisons le, bien que ce soit la dernière édition disponible, date de 2012….

Cette fois-ci les formalités douanières de sortie prennent plus de temps… nous devons attendre la venue de la brigade cynophile qui doit fouiller le bateau à la recherche de stupéfiants. Nous tardons à partir… c’est finalement vers 11h que nous partons vs les 9h que nous nous étions fixés.

Petite aparté d’Eric : cette partie du Maroc, le Rif, est plutôt charmante, la côte est bordée d’une chaîne de montagnes, qui laisse deviner de belle vallée, … mais c’est aussi le territoire de production de marijuana. La police est sur les dents et Jack, le chien que les filles caressent, est là pour le rappeler.

11/10 – Al Hoceima – Chmaala

La début de la navigation se fera au moteur car, comme prévu, il n’y a que 5 noeuds de vent et nous le prenons de face. Nous en profitons pour faire un peu l’école, admirer les dauphins qui viennent nous rendre visite et pêcher une belle bonite qui nourrira toute la famille le midi même. Papillotes pour les petites, ceviche pour les grands. Eric est très fier de cette pêche miraculeuse quasi quotidienne qui vient contredire des années d’échec qui lui valaient une réputation de pêcheur maudit!

Finalement le vent se lève un peu mais pas suffisamment pour nous permettre de rattraper le retard pris au départ. Nous arriverons donc de nuit à Chmaala.

Ne cherchez pas Chmaala sur une carte… ! Nous voulions une étape entre Al Hoceima et Ceuta, et c’est en zoomant avec minutie sur la carte qu’Eric a découvert ce qui semblait être un petit port. Le personnel du port d’Al Hoceima n’avait pas plus d’information: le port accepterait-il un voilier ? aussi gros que le nôtre ?? existe-t-il vraiment ???

Quand enfin nous voyons au loin les lumières de ce port mystère que nous visons, je remarque de nombreux scintillements colorés à la surface de l’eau et je finis par deviner la présence de plusieurs barques de pêche. A notre approche, les pêcheurs commencent à nous adresser des flash de lumière. Nous comprenons alors que toute la zone qui nous reste à traverser avant d’arriver au port est parsemée de filets flottants balisés par de petites LED clignotantes…………

Un des pêcheurs dont nous frôlons le filet vient finalement à notre rencontre. Ils nous indiquent en Arabanglagnol, un subtil mélange d’arable, d’anglais et d’espagnol, de le suivre. Nous comprenons qu’il va nous montrer le chemin à suivre pour lui éviter des travaux de couture pour le restant du mois… Mais alors que nous avançons à une allure soutenue sous voile (8 nœuds tout de même), une deuxième barque surgit de l’obscurité. Son pilote commence à s’engueuler en arabe avec le capitaine de la première barque. Et soudain “Paraté!!! Paraté!!!! Paraté!!!!” (“arrête toi” en Aragnol) les 2 barques nous frôlent dangereusement… Eric donne donc un coup de barre à tribord pour déventer les voiles et nous tentons de comprendre ce qui se passe.

Apparemment le deuxième larron avait installé un filet non éclairé et nous foncions droit dessus. Les deux pêcheurs continuent à s’embrouiller. Le premier nous dit de nouveau de le suivre. Eric reprend le cap, nous réglons de nouveau les voiles et l’on repart, quand soudain le deuxième pêcheur nous crie “ouiskiiiiiii ! ouiskiiiiii ! ouiskiiii !” et moi de hurler à Eric “arrête toooooiiiiiiii!!!!! Il dit que c’est risqué!!! “risky ! risky !” ça veut dire risqué!!!!!”

Eric tente de ralentir et se rapproche du pêcheur qui continue à crier “ouisssskkkkiiiii !”… et là mon mari me regarde avec les yeux du désespoir “mais putain, qu’est-ce tu me fais !! il veut juste du whisky !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!”.

[moi] “ah, OK…………………………”

Je ne dirais plus rien jusqu’à notre arrivée au port.

Arrivée qui n’en n’est pas vraiment une puisque, après avoir zig-zagué entre les filets flottants et négocié au centimètre notre entrée dans ce micro-port en surveillant de près la jauge de profondeur… 3m… 2m…. 1.50m… 1m… (Eric me rassure, et se rassure, en me répétant qu’il y a un mètre de plus, “le pied de pilote”, que ce qui est affiché….) un militaire nous fait signe en nous disant “c’est interdit ! vous ne pouvez pas rester ici, vous devez repartir !”. Screugneugneu….

Nous voilà donc repartis à négocier au centimètre près notre sortie de ce micro-port… tout ça pour renoncer à aller plus loin vers le large devant la nuée de petites lumières clignotantes qui flottaient toujours à la surface de l’eau.

Nous jetons donc l’ancre devant la digue du port. Ouf le fond est sablonneux, l’ancre prend tout de suite. On mange une pauvre soupe lyophilisée et on se couche, un peu frustrés.

 

12/10 – Chmaala – Ceuta

Alors qu’approche Ceuta à l’horizon, à gauche et que les maisons et immeubles deviennent clairement visibles, on distingue une montagne, dans le lointain, à droite, bien reconnaissable : le rocher de Gibraltar. Séquence émotion. C’est un mythe (ok… c’est pas le Cap Horn… mais quand même!), la fin de la Méditerranée… le début de l’Atlantique !

A gauche Ceuta, au centre dans le lointain, Gibraltar.

Nous arrivons peu avant la tombée de la nuit à Ceuta. Tout comme Melilla, c’est une petite enclave espagnole sur le continent africain. Le port est énorme (commerce et ferry) mais la partie réservée à la plaisance est en fait assez petite. Nous trouvons une place sur un ponton flottant le long de la digue qui sépare le port de plaisance du port de commerce.

13/10 – Adieu la Méditerranée !

Nous avions prévu de profiter de Ceuta pendant quelques jours, mais finalement le lendemain matin on nous confirme que le coup de vent annoncé pour le soir arrive finalement plus vite que prévu. Un petit coup d’œil sur PredictWind (notre application de météo et de routage), nous montre que le matin même les vents restent supportables (tout de même 20 kts+) et sont assez porteurs pour nous permettre de passer Gibraltar et ses courants. Ni une ni d’eux, Eric fonce à la capitainerie régler la nuit (55€) et nous larguons de nouveau les amarres. Les filles grognent “y’en a marre on navigue tout le temps !!!”. Eric jubile “du vent !!!!!!!!”. Et moi aussi. Nous aimons tous les deux ce genre de conditions: vent à 20-25 noeuds et houle raisonnable. On va s’amuser !

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4 commentaires

  • Ktou

    Ah non! Ca ne va pas s’arrêter ainsi: nous aussi on est frustrés:
    * il va y avoir du vent et donc du sport, et on ne nous le raconte pas
    * il n’y a pas eu de tourisme, pas de visite de ces rivages pourtant réputés jolis.
    Des dératés égoïstes qui ne pensent pas à leurs lecteurs, c’est ce que vous êtes!

  • Laurence

    Hello, tout à fait d’accord avec Ktou :des jours que l’on attend vos récits, en se disant qu’enfin vous allez vous approcher des criques sauvages de l’Est marocain, que l’on va découvrir de nouveaux endroits, de nouvelles rencontres, traditions, …. Et puis rien ! Même pas de photos des dauphins ! Faut vous reprendre ! Biz.

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